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18 août 2014 1 18 /08 /août /2014 23:42

http://farzyat.cjb.ma/images/ecole_maroc_eleve_15092010140445.jpg

Photo parue dans Farzyat/inégalités http://farzyat.cjb.ma/la-dynamique-des-inegalites-deducation-au-maroc-1950-2010

 

L’UNESCO a publié, le 25 janvier dernier, un rapport accablant sur l’état de l’éducation au Maroc. Dans ce document qui a suscité quelques articles de presse avant de retomber dans l’oubli populaire, il était indiqué qu’à la fin de l’école primaire, moins de 50% des enfants marocains sont capables de lire une simple phrase. Oui, vous avez bien lu, moins de 50 % des élèves sont alphabétisés après six longues années d’études. Dans le monde arabe, seule la Mauritanie obtient un résultat aussi catastrophique.

Alors certes, le taux de scolarisation à l’école primaire a fortement augmenté dans le Royaume, passant de 71 % en 1999 à 96 % en 2011… Mais à quoi bon scolariser des enfants qui n’apprennent rien ?

 « Une fracture béante sépare les régions en matière d’acquis scolaires, indique le rapport de l’UNESCO. En Amérique du Nord et en Europe occidentale, 96 % des enfants étudient jusqu’à la 4e année et parviennent au niveau minimal en lecture, contre seulement le tiers des enfants en Asie du Sud et de l’Ouest et les deux cinquièmes en Afrique subsaharienne. » Le Maroc se classe aux côtés de celle-ci parmi les bonnets d’âne.


Le think-thank américain Brookings trace un portrait plus sévère encore du paysage scolaire marocain. Dans son « baromètre de l’apprentissage dans le monde arabe » (The Arab World Learning Barometer) 2014, il indique que 76,5% de nos élèves scolarisés à l’école primaire n’ont pas acquis les compétences de base en matière de lecture et de calcul. Dans l’enseignement secondaire, les élèves sont 64 % à n’avoir pas atteint un niveau minimum correspondant à la 8e année de scolarité.


Le résultat de cette situation en termes économiques ? Je raconterais simplement une anecdote personnelle pour illustrer les dégâts que peut faire ce manque généralisé d’éducation dans la population. Dans un lycée où j’enseigne, je souhaitais utiliser la salle informatique pour mes élèves.  Je demande au surveillant, âgé d’une vingtaine d’années, de vérifier la connexion Internet au moment où il m’ouvrirait la salle. Une affaire d’une minute ou deux, accessible à toute personne âgée de plus de six ans, me dis-je. Mais le surveillant me regarde en prenant l’air hagard, et m’explique qu’il ne sait pas faire…  J’ai beau lui expliquer qu’il suffit d’allumer l’ordinateur et d’ouvrir le navigateur, il reste totalement bloqué… Résultat, la connexion ne marchait pas et mes élèves n’ont pu bénéficier de cette salle équipée pour eux par le lycée. Salle devenue inutile parce qu’un surveillant ne disposait pas du niveau nécessaire pour faire une manipulation aussi simple qu’allumer un modem ou vérifier une connexion web.


Combien de temps et d’énergie sont-ils perdus quotidiennement, dans tout le pays, dans des situations semblables ?

Face au déficit de l’école public, les ménages riches mettent leurs enfants dans les établissements  privés. Mais ils ne sont pas les seuls : les ménages de la classe moyenne, conscients de l’importance d’une éducation de qualité pour l’avenir de leurs enfants, se saignent aussi aux quatre veines pour les scolariser dans le privé, dont les seuls frais de scolarité s’élèvent au minimum à 1500 DH par mois et par enfant, quand ce n’est le double – et ce, sans parler des frais annexes. Malgré les coûts prohibitifs, en 2010-2011, 641 344 élèves, soit plus de 9 % des  sept millions d’élèves marocains du préscolaire au Bac, étaient inscrits dans des écoles privés. Un effectif qui a plus que doublé en sept ans.

Comment justifier que l’Education Nationale soit devenue impropre à éduquer les enfants, et que le privé soit obligé de se substituer à l’Etat ?

On le sait, d’une manière générale, une scolarité plus longue et de bonne qualité se traduit par des revenus plus élevés tout au long de la vie. Mais au-delà du bénéfice individuel, un peuple éduqué permet une hausse de la productivité de la main d’œuvre. De nombreux économistes ont constaté depuis longtemps une corrélation positive entre l’augmentation du niveau d’étude et la croissance d’un pays. 

Si le Maroc veut sortir un jour du sous-développement, il ne pourra faire l’économie d’une vaste réforme de son système scolaire visant à éduquer les masses - et pas seulement une poignée d’enfants de l’élite. 

 

Pour en savoir plus :

http://unesdoc.unesco.org/images/0022/002261/226157f.pdf

http://www.brookings.edu/research/interactives/2014/arab-world-learning-barometer

http://enseignementsuperieur.lavieeco.com/news/Avancee-spectaculaire-des-ecoles-privees-et-des-filieres-scientifiques-et-techniques-18649.html

 

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